Étudiante en 1ère année à l'EPITA, Agathe Hinsberger, 18 ans, se rêve créatrice d'entreprise dans le domaine de la sécurité informatique et la cryptologie. Découvrez son portrait!

Femmes du Numérique : Pour commencer, quelle est votre définition du « numérique » ?

Agathe Hinsberger : C’est la plus importante révolution économique et à l’échelle planétaire depuis l’histoire de l’humanité. Aujourd’hui, le numérique bouleverse mondialement nos modes de consommation. L’achat en ligne nous offre des possibilités phénoménales de comparer prix et produits. L’accès quasi illimité aux connaissances de façon instantanée et gratuite est une mutation sans précédent pour les processus d’enseignements et de formations qui vont connaitre des évolutions majeures. Toutes les sciences et techniques sont impactées par le numérique. Elles sont toutes dans un mouvement de changements massifs.

Mais, bien au-delà de ses aspects techniques et économiques, la révolution numérique va surtout bouleverser en profondeur les dimensions morales, idéologiques, politiques et philosophiques de notre société

Les femmes, une opportunité pour le numérique. Le numérique, une opportunité pour les femmes. Qu’en pensez-vous ? Pourquoi avez-vous choisi ce secteur ?

Dans l’histoire de l’humanité, les rôles des hommes et des femmes dans les sociétés étaient clairement établis… et très séparés. La révolution industrielle du 19ème siècle a apporté un essor économique considérable en occident mais aussi une organisation sociale nouvelle. Les femmes y ont, depuis lors, progressivement acquis une « nouvelle place ».

Le numérique est clairement une fabuleuse opportunité pour les femmes de prendre une position prédominante dans la nouvelle organisation sociale de demain, charge à elles de participer activement à la construction de ce nouvel ordre social.

Les femmes une opportunité pour le numérique ? Oui, bien sûr, car les changements et les progrès se nourrissent de différences ethniques, géographiques, culturelles… et de sensibilité féminines. Les jeunes femmes de ma génération peuvent apporter des éclairages différents et des points de vue originaux pour contribuer activement à ces changements qui vont modifier profondément notre quotidien.

Avez-vous rencontré des difficultés pour votre orientation ou au contraire avez-vous été soutenue ? Quel était le regard de vos enseignants, conseillers d’orientation, proches, amis, parents face à ce choix ?

Comme tous les lycéens, j’ai été sollicitée à partir de la troisième pour choisir une orientation professionnelle. Très honnêtement, je n’avais pas de vocation particulière, je n’avais pas la moindre idée du métier que j’exercerai. J’étais très à l’aise dans les matières scientifiques et je me suis orientée vers un bac S.

Dès la 1ère, j’ai participé à de nombreux salons post bac et à des portes ouvertes d’écoles et d’université. Petit à petit, mon choix s’est construit : je voulais faire une carrière technique. Lors d’un salon, j’ai visité le stand EPITECH (une école du numérique « petite sœur » d’EPITA). Le mode de formation, le contenu du cursus, le style de l’école tout m’a paru intéressant. Quelques mois plus tard, j’ai participé à une journée porte ouverte à EPITA, le déclic e été immédiat.

Dans mon lycée, mon choix est apparu clairement comme atypique. En terminale, la plupart des élèves de mon lycée ont choisi de suivre la filière médecine ou droit. Dans ma classe de terminale S, seuls 20 % des élèves ont choisi une orientation en école d’ingénieurs. Nous sommes quatre à avoir choisi une formation dans le numérique… et je suis la seule fille alors que plusieurs de mes camarades filles avaient pourtant choisi l’option Informatique et Science du Numérique.

J’ai intégré l’EPITA depuis septembre 2014 et je n’ai qu’un seul regret : la faible représentation des filles dans la promotion. Nous représentons seulement 5% de l’effectif.

Dans vos études et dans vos stages, comment vivez-vous le fait d’évoluer dans un milieu majoritairement masculin ? Avez-vous l’impression d’être traitée différemment des étudiants et stagiaires masculins ?

Très sincèrement, je n’ai pas l’impression d’être clairement avantagée ou désavantagée. Je crois que concernant cette question, il ne faut pas se mettre soi-même en position de différenciation, ni de victime. Un comportement volontariste et positif force souvent le respect de la gent masculine. Il convient, pour chacune d’entre nous, d’adopter des postures appropriées afin de susciter des attitudes égalitaires à notre égard.

Présentez-nous votre projet professionnel. Comment envisagez-vous votre carrière ?

Je ne suis qu’au début de mon cursus de formation à EPITA et il est aujourd’hui bien présomptueux de prédire l’avenir, mais parlons de mon rêve le plus fou : créer mon entreprise d’expertise et de conseils dans le domaine de la sécurité informatique des réseaux et de la cryptologie.

Le numérique est une fabuleuse opportunité de progrès et de liberté et je déteste l’idée que certains puissent pirater, détourner, ou exploiter dans leur seul intérêt et contre le gré des individus, des entreprises ou des institutions des données de quelque nature qu’elles soient. A mon sens il n’y a pas de place pour les tricheurs qui cherchent à exploiter ou à contrôler les informations clés et intimes. Ils sont des dangers pour la démocratie et la liberté. Cela peut sembler idéaliste mais il n’y a pas de démocratie sans sécurisation de la sphère intime et je veux apporter ma contribution à cet enjeu majeur.

Idéalement, j’aimerai travailler avec une équipe de petite taille, créative, diverse et internationale où chacun se connait et accorde une confiance forte aux membres du groupe. Vivre au quotidien l’aventure du numérique n’est pas qu’une question de technique, c’est aussi une affaire d’engagement et de générosité.

Vous faites partie de la génération Y. Quel est votre regard sur les questions d’égalité femme-homme ?

Les vieux clichés ont encore la peau dure. Aujourd’hui encore, et même si les choses évoluent, dans le monde éducatif et professionnel, à position égale, les femmes doivent être plus efficientes que les hommes pour être reconnues. Mais bon, face à l’adversité il faut aussi  être tenace et savoir faire reconnaitre ses compétences et ses talents.

Quel conseil donneriez-vous à une lycéenne qui hésite à s’inscrire dans un cursus numérique ?

Justement ne pas hésiter. Sortir des sentiers battus n’est pas la voie de la facilité, mais le champ d’action dans le numérique est immense et infini.

Pour faire un parallèle avec la musique qui est ma seconde passion : la technique informatique c’est comme le solfège. Son apprentissage est aride mais indispensable pour jouer correctement. Une fois cette base acquise, on peut pratiquer n’importe quel instrument, seul ou en groupe, jouer du rock ou du classique, il suffit de se laisser transporter par sa passion, et la passion, ça c’est une spécificité très féminine !

Biographie

Je suis Agathe HINSBERGER, je viens d’avoir dix-huit ans et je suis originaire de Thionville en Lorraine. Après un bac S, spécialisation Informatique et Science du Numérique, j’ai intégré en septembre 2014 la 1ère année de préparation intégrée à l’EPITA qui est une école d’ingénieurs spécialisée dans le numérique et dont la formation s’étale sur cinq ans.

En dehors de ma vie d’étudiante, j’ai deux passions. La danse classique que je pratique depuis quinze ans. J’ai participé à des galas de danse et à des ballets. Cette activité m’a permis de développer l’esprit d’équipe, la rigueur et la persévérance. Ma seconde passion, c’est la musique. Je joue du piano depuis l’âge de huit ans et j’ai fait cinq ans de violon. Au même titre que la danse, la musique m’a permis d’acquérir une forte discipline de travail. Mais pour moi, ces deux passions ce sont avant toute chose du plaisir et de la création.

C’est exactement ce que recherche dans ma vie professionnelle future …. de la rigueur, de la discipline, du travail en équipe, le tout associé au plaisir de la création et ça je le trouve dans le numérique.