How can we help you?
Je suis malentendante avec une déficience vocale et je travaille dans la communication.
Quel est votre handicap ?
Je suis une grande prématurée, née à l'âge de 6 mois. J'ai passé ma première année de vie à l'hôpital. J’ai de la chance je m’en suis sortie, mais avec quelques séquelles. Je suis malentendante, j'ai une déficience visuelle et un problème de motricité au bras gauche. On a découvert ma surdité plus tard, à l'âge de 4 ans.
Vous évoquiez la découverte de votre surdité à l’âge de 4 ans. Comment s’est déroulée votre scolarité ?
J’ai eu une scolarité chaotique. J’ai pris du retard et très jeune, j’ai été stigmatisée. Quand mon handicap a été découvert, j’ai porté des contours d'oreilles, des appareils auditifs voyants. De plus, j’ai un souci de voix. J’ai une corde vocale qui ne fonctionne pas ce qui fait que j’ai la voix constamment éraillée. Lorsque j’étais petite, on se moquait de moi en m'imitant. J’ai été harcelée
Malgré tout, vous vous accrochez. Vous avez aujourd’hui un bac + 5 !
A l'âge de 17 ans je suis partie aux États-Unis pour sortir un peu du système français. Une vraie bouffée d'oxygène ! J'ai décidé de partir un an en immersion totale, hébergée par une famille américaine pour en apprendre l'anglais et la culture Américaine. Suite à cette expérience, j’ai souhaité poursuivre mes études supérieures là-bas. J'ai réussi à obtenir une bourse qui m’a permis d’étudier 5 ans dans l'état du Texas. Je suis rentrée en France avec un Bachelor Degree in Arts, spécialité communication et PR en poche.
Il y a plus de tolérance aux États-Unis qu’en France ?
Je dirais qu’il y a plus d’ouverture. En France, on vous met dans des cases dès l’enfance. Certains enseignants m’ont dit que je ne réussirais rien dans la vie et qu’il fallait me mettre de côté. Ce n’est pas parce que tu as un apprentissage plus lent que les autres que tu n’arriveras à rien dans la vie.
Comment s’est passée votre entrée dans la vie active. Avez-vous parlé tout de suite de votre handicap à votre employeur ?
Le chemin pour accepter mes handicaps a été très long pour moi. Je me suis toujours considérée comme une personne « normale ». Au départ, je ne voulais pas en parler car c'était accepter d'être différente. Ce n’est qu’après un expérience professionnelle douloureuse avec un manager peu compréhensif que j’ai finalement entamé les démarches pour faire un dossier à la MDPH (Maison des personnes en situation de handicap) et être reconnue travailleuse handicapée. Aujourd’hui, j'accepte mes différences même si cela n'est pas tous les jours évident.
Qu’entendez-vous par « manager peu compréhensif » ?
Mes premières expériences ont été compliquées. Durant l'une d'entre elle, on m’a clairement maqué de respect et de considération. J’avais été embauchée en tant que chargée de communication et je me suis retrouvée à nettoyer les murs et à ranger les placards. Aussi récemment, j'ai été poussée à la démission. Mes managers me considéraient comme un bon élément mais mes handicaps ne me permettaient pas de continuer dans ce poste. J’ai demandé a ce qu’on me transfère à un autre poste plus adapté. J’ai reçu une fin de non-recevoir.
Le fait d’évoquer votre handicap dès votre entretien d’embauche a-t-il changé la donne ?
Oui. Je me rends compte que c’était important d’en parler car j’ai bénéficié d’un accompagnement et d’un matériel adapté à mes différences qui facilite mon quotidien. Oui, j’aime mieux le mot « différence » que le mot « handicap ». Je le trouve plus joli. Le terme handicap, c’est lourd et un peu négatif. Même s’il faut aussi une forme de courage pour dire « oui, j’ai des différences ». On vit dans une société remplie d’injonctions où il faut être jeune, beau et en bonne santé. Heureusement, cela évolue mais le chemin reste encore long….
Le numérique facilite il votre travail ?
Sans le numérique, je ne pourrais pas faire mon métier. Mon handicap nécessite que je sois dans le calme pour travailler. Ce qui m’est permis par le télétravail, deux jours par semaine. Travailler trop longtemps dans un open space me fatigue et me provoque des acouphènes. Mon RQTH (Reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé) me permet de bénéficier d’un accompagnement au travail et d’un matériel ad hoc. Je travaille avec un ordinateur adapté à ma déficience visuelle, une souris ergonome, un support PC pour que mes écrans soient au niveau de ma vue. J’ai également un repose-poignet pour mon handicap au bras gauche et un fauteuil adapté à mes problèmes de dos pour soulager mes lombaires.
A-t-on encore des efforts à faire pour former les managers, les collaborateurs à l’accueil et l’accompagnement des personnes en situation de handicap ?
Oui, il y a encore des marges de progrès. On rattache trop le handicap a des personnes en fauteuil roulant (d’ailleurs c’est le visuel du sigle) alors que 80 % des personnes en situation de handicap ont un handicap invisible. Cela peut être des maladie chroniques, des personnes sourdes… Les entreprises devraient être beaucoup plus formées.
Selon vous, qu’est ce que cela leur apporte de travailler avec des personnes en situation de handicap ?
De la tolérance mais pas uniquement. Travailler avec une personne en situation de handicap, c’est une valeur ajoutée tant sur le plan professionnel que personnel. C’est aussi une ouverture d’esprit. Cela apprend la tolérance, l’humilité. Cela permet également de supprimer les appréhensions. Aujourd’hui, le mot « handicap » fait encore trop peur.
Avez-vous été discriminée professionnellement à cause du vôtre handicap ?
Disons que je n’ai pas choisi la simplicité : le secteur de la communication alors que j’ai une déficience vocale ! (Rire).
Qu’est-ce qu’on pourrait faire pour faciliter davantage encore leur emploi ?
Des formations. Pas uniquement pour les managers, mais également pour les collaborateurs.
Faire une formation spécifique pour les personnes qui vont travailler en direct avec elles. Il faudra que cela se fasse bien sûr avec le consentement de la personne en situation de handicap. Toutes n’en parlent pas aussi librement.
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