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Isabelle Collet analyse les raisons de la masculinisation des métiers de l’informatique à partir des années 1980 et propose des solutions pour relever le défi de l’inclusion des femmes dans le numérique.
POURQUOI ON L’A LU ?
DE QUOI ÇA PARLE ?
Isabelle Collet analyse les raisons de la masculinisation des métiers de l’informatique à partir des années 1980 et propose des solutions pour relever le défi de l’inclusion des femmes dans le numérique.
L’ouvrage débute par une mise en perspective de la notion de genre et de la répartition genrée des fonctions sociales. Après un premier chapitre consacré au concept d’autodéfense intellectuelle, où l’auteure revient sur les fondements de l’esprit critique, le deuxième chapitre, « En finir avec le prétexte de la nature », aborde le sujet des supposées différences naturelles entre filles et garçons et souligne le rôle de l’éducation dans la construction sociale du féminin et du masculin. Rappelant qu’égalité ne signifie pas identité, Isabelle Collet porte un regard critique sur la croyance en la complémentarité des sexes : « [elle] incite à aller chercher chez les femmes ces compétences dites complémentaires qui n’existeraient pas chez les hommes » (p.41).
Le troisième chapitre, « La division sociosexuée des savoirs », montre que la répartition des rôles entre femmes et hommes n’est « pas immuable, ni géographiquement, ni historiquement » (p.44). Ainsi, en Malaisie, il y a 65 % d’étudiantes en informatique : le caractère sédentaire des métiers numériques, sans nécessité de force physique, et la possibilité qu’ils offrent de télétravailler, en font des métiers « de femme » dans la représentation collective.
Les chapitres suivants reviennent sur l’histoire de l’informatique et la disparition progressive des femmes de la discipline. Dans « Des fantasmes de pouvoir et d’auto-engendrement à l’origine de l’ordinateur », l’auteure analyse ainsi la pensée de grands théoriciens de l’informatique, tels Norbert Wiener et Alan Turing, et montre comment la cybernétique a écarté le féminin : « dans l’univers de la cybernétique, l’homme devient capable de s’autoengendrer », apportant « une solution à ce que Françoise Héritier appelle le privilège exorbitant des femmes à pouvoir se reproduire à l’identique, mais aussi au différent ». (p.69). Le chapitre 5, « Et Dieu dans tout ça ? », explique en quoi on crée des mondes avec l’informatique engendrant des fantasmes de pouvoir : « l’ordinateur est plus qu’un partenaire pour les développeur.e.s, il est une fenêtre sur un monde logique où les développeur.e.s sont tout.e.s puissant.e.s » (p.81-82).
Dans le chapitre 6, « Les mères de l’ordinateur », l’auteure rappelle le rôle des femmes dans l’histoire de l’informatique : Mary Shelley, Ada Lovelace, ou encore les calculatrices de Harvard, qui ont contribué à la classification des étoiles à la fin du XIXe siècle. Ces femmes ont été oubliées car « les femmes ont dans l’histoire des sciences et techniques, comme dans l’histoire en général, une place particulière : celle que les hommes veulent bien leur laisser et dont ils acceptent de se souvenir » (p.88)
Le septième chapitre, « En finir avec le prétexte de l’autocensure des femmes », déconstruit le mythe de la responsabilité individuelle des femmes dans les inégalités salariales ou les orientations différenciées : « faire porter au groupe exclu la responsabilité de son exclusion est une stratégie qui témoigne au mieux d’une certaine naïveté, au pire d’un certain cynisme, et qui a l’avantage de préserver la bonne conscience de celles et ceux qui sont inclus » (p.119).
Le huitième chapitre, « Les « bonnes pratiques » pour l’inclusion des femmes dans le numérique », débute par une mise au point sur la différence entre « action affirmative » et « discrimination positive », la première visant à « rendre toutes choses égales par ailleurs, à supprimer les mécanismes discriminants » (p. 153). Isabelle Collet analyse ensuite différentes stratégies d’inclusion. D’abord, « peindre la tech en rose », qui interpelle spécifiquement les filles en s’appuyant sur une approche différentialiste et limite de ce fait les ambitions scientifiques des filles. La lutte contre les stéréotypes, quant à elle, si elle est indispensable, a des limites : déconstruire les stéréotypes ne suffit pas à les faire disparaître. De plus, cette stratégie fait peser la responsabilité sur l’individu et ne s’attaque pas au système de genre qui produit les stéréotypes. Quant aux rôles modèles, leur efficacité est difficilement mesurable. Isabelle Collet préconise donc une adaptation du système, reposant sur trois actions : intéresser, recruter et socialiser. La mise en place de quotas provisoires peut également être utile.
Le dernier chapitre, « Nouveaux défis : genre et intelligence artificielle », plus prospectif, aborde les problématiques soulevées par le développement des algorithmes et les biais de genre qu’ils révèlent : « il est inutile de se cacher derrière les résultats d’un algorithme : il fait rigoureusement ce qu’on lui demande de faire » (p. 210).
CE QU’ON A AIME ?
Les oubliées du numérique propose une analyse fine de la sous-féminisation du numérique, avec une mise en perspective historique et sociale qui permet de saisir les tenants et aboutissants d’une politique efficace d’inclusion numérique.
On a particulièrement aimé :
ON LE LIT SI
On cherche une référence universitaire pour enfin tordre le coup à l’idée encore trop souvent répandue que l’informatique, c’est un métier d’hommes.
POUR LE TROUVER
Collet Isabelle, Les Oubliées du numérique, Paris, Le Passeur, 2019, 214 p.
POUR ALLER PLUS LOIN
On rejoint Femmes@numérique ! Et On se plonge dans l’ouvrage De l’autre côté de la machine (ou dans sa fiche de lecture !) d’Aurélie Jean pour comprendre le mécanisme des biais de genre dans la construction des algorithmes.
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