Découvrez le portrait d'Agnès Crepet!

Femmes du Numérique : Pour commencer, quelle est votre définition du « numérique » ?

Agnès Crepet : Le numérique pour moi est tout ce qui touche aux nouvelles technologies, Internet en étant un des outils les plus représentatif. J'étais adolescente quand Internet est arrivé dans le quotidien de chacun. Cela m'a ouvert un nombre incroyable de perspectives et c'est pour moi une chance d'avoir grandi à l'ère où le numérique a explosé.

FDN : Les femmes, une opportunité pour le numérique. Le numérique, une opportunité pour les femmes. Qu’en pensez-vous ? Pourquoi avez-vous choisi ce secteur ? Quel métier du numérique exercez-vous ?

AC : Les femmes sont de manière certaine une force pour le secteur du numérique. Je suis très sensible aux problématiques de diversité dans le monde l’IT. Les femmes sont sous-représentées dans ce monde-là. Je pensais que la situation était identique partout dans le monde jusqu’à ce que je fasse un tour du monde en 2011 et que j’aille notamment en Asie.

J’ai donné quelques conférences informatiques en Indonésie, et là-bas plus de la moitié du public était des femmes! Je me suis dit qu’on avait à s’inspirer de leurs actions pour changer la tendance, notamment en France. Je suis engagée depuis longtemps dans différentes actions pour essayer de promouvoir la visibilité des femmes dans le monde high-tech, à la fois dans Duchess France mais également au sein de l’association MIX-IT.

Quant au fait de savoir si le numérique est une réelle opportunité pour les femmes. Oui je pense que cela peut l'être mais pour les métiers techniques du numérique, comme par exemple le mien, je suis développeuse / architecte logiciel, le chemin est encore long pour que les femmes soient nombreuses à choisir ce secteur. Certains préjugés sont ancrés au sein de la famille et de la société et se révèlent lors des choix des jeunes filles pour une formation. Les parents ou les enseignants peuvent parfois inconsciemment ne pas les diriger vers des formations trop techniques, qui déboucheraient sur des professions traditionnellement masculines, où la présence des femmes n’est pas encore complètement acceptée.

De plus, certains métiers techniques, comme celui de l’informaticien, souffre de certains stéréotypes. L’informaticien est souvent représenté comme un homme, jeune, blanc, hétérosexuel, fan d’univers comme celui de l’heroïc- fantasy et encore celui des jeux vidéos. Ces univers sont par ailleurs bien souvent remplis de références principalement masculines ou les filles ont peu de place. Quand elles y sont représentées, c’est souvent de manière dégradante. Tout ceci n'incite pas les jeunes filles à choisir le métier de développeur notamment. Mais avec Duchess France, une assocation dans la quelle je suis investie, nous essayons de mener plusieurs actions pour inverser cette tendance. Duchess France est un groupe destiné à mettre en relation les femmes de l’IT. On essaie d'accroître la visibilité des femmes dans l'IT.

L’une des missions principales de Duchess France est de voir plus de femmes prendre la parole dans des conférences techniques (<5%), et dans ce sens nous organisons des sessions de coaching pour les y préparer. Pour faire connaître nos métiers et partager notre passion, nous sommes également présentes sur plusieurs forums à destination de collégiens et lycéens Enfin nous croyons que des rôles modèles sont indispensables pour inspirer, motiver et aider d’autres femmes – qu’elles soient étudiantes ou en reconversion – à se projeter dans ces domaines techniques de l’informatique.

Dans ce but, nous publions des portraits de femmes qui parlent de leur métier, leur passion pour le code et la technique, bref nos rôles modèles !

FDN : En plus de votre activité professionnelle, vous être engagée bénévolement dans une action sociale ou humanitaire. Comment conciliez-vous les deux ? Cela participe-t-il à votre équilibre ?

AC : Ce n'est pas toujours facile ! Je suis engagée dans plusieurs associations du secteur numérique, mais je fais également parfois des conférences en tant que speaker, et cela me demande beaucoup de temps de préparation. Je fais partie en plus de cela d'une association culturelle sur ma ville, Avataria.

Et j'ai deux enfants en bas âges ( 6 mois et 2 ans) donc c'est bien sûr eux qui m'occupent le plus ;-) Mais j'ai la chance d'avoir un conjoint impliqué dans la vie de famille et qui sait être là quand mes activtés extra-pro prennent beaucoup de places ! C'est lui qui ne travaille pas le mercredi par exemple pour s'occuper des enfants. Sans ce partage de tâches, je ne pourrai pas faire la moitié de ce que je fais aujourd'hui et cela participe pleinement à mon équilibre !

FDN : Présentez-nous l’association dans laquelle vous être investie. Quelle est son action ? Quelle y est votre mission ?

AC : MIX-IT est une association fondée en 2010. Elle organise à Lyon depuis 5 ans une  conférence annuelle dédiée à l’innovation technologique. Il s’agit d’un évènement majeur  dans le monde de l’high-tech : chaque année ce sont plus de 500 participants et plus de 50 conférenciers venus des quatre coins du monde qui se réunissent sur deux jours.

Une des valeurs de MIX-IT est de promouvoir la mixité (elle en tire d’ailleurs son nom !), la mixité technologique certes mais surtout la mixité au sein du monde l’IT. Nous travaillons  ardemment au fait qu’il y ait un grand nombre de femmes conférencières dans le  programme, mais également des personnes issus de cultures différentes. Il y a un manque certain de diversité dans l’IT, nous essayons de contribuer au fait d’inverser la tendance.

Pour donner un exemple, sur l’édition 2014, les deux principales keynotes étaient animées par l’américaine Ashe Dryden auteur du livre « The Diverse Team » et par le togolais Horacio Lassey-Assiakoley, qui venait pour la première fois en Europe. Nous défendons également un prix d’accès très bas pour ces deux jours de conférences (50 euros), ce qui est très rare pour un évènement IT de ce type, et ceci afin de rester accessible au plus grand nombre.

Au sein de Mix-IT, comme tous les autres membres organisateurs, j'ai toute sorte de casquettes, des plus gratifiantes au moins gratifiantes: recherche des sponsors et des speakers, mais aussi distribution de sandwichs et de café !

FDN : Au travers de votre activité professionnelle mais aussi de votre vie personnelle et associative, comment défendez-vous l’égalité femme-homme ?

AC : Au quotidien, dans tout ce que je fais, je pratique l'égalité homme-femme et c'est pour moi le meilleur moyen de la défendre ! Dans mes activités associatives, dans ma vie pro. et bien sûr à la maison !

Que le papa soit aussi impliqué que la maman dans la petite enfance par exemple permet de laisser du temps aux femmes pour qu'elles s'investissent dans ce qu'elles ont envie et qu'elles soient ainsi plus visibles et présentes dans des secteurs où on n'a pas encore beaucoup l'habitude de les voir !

FDN : Quel conseil donneriez-vous à une jeune femme qui hésite à travailler ou à créer son entreprise dans le secteur du numérique ?

AC : Foncez ! C'est un secteur en pleine mutation où tout est possible ! Il est aussi à inventer et les femmes ont toute leur place pour lui donner des perspectives nouvelles !

Biographie

Développeuse et architecte logiciel depuis près de 15 ans, j’ai cofondé la société coopérative Ninja Squad en 2012 avec trois autres développeurs passionnés. J’ai été élue Java Champion, titre décerné par leurs pairs aux personnes actives et reconnues dans la communauté du langage Java. Parmi la centaine de personnes qui ont ce titre dans le monde depuis 2005, seules sept sont françaises et je suis (pour le moment!) la seule femme. Parce que j’aime apprendre et partager, je suis très active dans les communautés de développeurs depuis plusieurs années. Je fais partie des membres organisateurs de Duchess France, une association destinée à valoriser et promouvoir les femmes développeuses. Je suis également responsable du Lyon Java User Group, une association proposant une conférence par mois à Lyon, sur des sujets de développement logiciel, principalement dans l’écosystème du langage Java. Et j’ai fondé l’association Mix-IT qui organise la conférence du même nom sur Lyon depuis 2011.