Le 22 novembre 2019, la Commission Finance de Syntec Numérique a adressé à l'ANC une lettre d’observations sur le projet de règlement modifiant le plan comptable général relatif à la comptabilisation du chiffre d’affaires.

Les commentaires formulés dans ce courrier représentent les principaux points problématiques ou de divergences relevés par les membres de la Commission Finance de Syntec Numérique. Ce sont des positions sectorielles émises par les ESN (Entreprises de services du Numérique), les éditeurs de logiciels et les sociétés de conseil en technologies membres de Syntec Numérique.

Les principaux points ou divergences identifiés problématiques pour nos adhérents, en première
analyse (ceux-ci n’étant pas exhaustifs), sont les suivants :

  • La notion d’accord telle que définie par le texte mérite d’être explicité : qu’est-ce qu’un accord ? Sur la base de vos commentaires lors de la réunion du 5 novembre, nous comprenons que cette notion permet le regroupement de contrats comme c’est le cas selon IFRS 15 et inclut aussi la notion de séries. Ainsi, dans le monde de l’édition de logiciels, il est fréquent de conclure, au même moment ou à des moments très rapprochés, avec un client des contrats distincts de licence, d’intégration et de maintenance et de lui accorder des contreparties variables sur un contrat au titre de la conclusion des autres. L’allocation de la contrepartie variable aux différentes prestations pourrait être source de divergences par rapport à IFRS 15 si la notion de regroupement n’est pas comprise dans celle d’accord. Cette situation peut aussi se présenter dans des contrats d’intégration associant également des services de tierce maintenance applicative ou d’outsourcing.
  • En termes d’évaluation du chiffre d’affaires, dès lors que l’accord comprend plusieurs livrables et que ceux-ci y font l’objet de prix distincts, « alors ceux-ci sont retenus pour déterminer le chiffre d’affaires de chaque livrable ». Cette règle sera source de divergences par rapport à IFRS 15 et n’est pas acceptable en l’état. Une option permettant d’appliquer les modalités d’IFRS 15 doit être autorisée. Un contrat peut en pratique comprendre plusieurs « livrables » (« obligations de prestations » dans IFRS 15) dont un seul fera l’objet d’une contrepartie variable (remise) mais qui commercialement a pour vocation à porter sur l’ensemble des prestations incluses dans l’accord avec le client. Il est une pratique fréquente dans le secteur de l’édition de logiciel d’accorder une remise sur la licence ou sur la maintenance pour emporter l’ensemble du contrat (licence + maintenance). Ainsi, par exemple, nous vendons une licence pour un prix de 100 avec 5 ans fermes de maintenance à 20% dont la première année est gratuite. Selon IFRS 15, nous aurions reconnu un revenu de licence de 90 (contre 100 selon le projet de règlement) et de maintenance de 18 la première année (contre 0 selon le projet de règlement). L’adaptation des systèmes d’information pour prendre en compte cette divergence sera très couteuse et engendrera une grande complexité tant pour les opérationnels au contact des clients que pour les financiers (contrôleurs de gestion, comptables …).
  • L’évaluation du chiffre d’affaires dans le cas de situations de régularisations de prix n’est pas claire. Ainsi, par exemple, le traitement d’une réduction de prix tel que décrit dans le commentaire IR 3-3 est difficile à mettre en oeuvre sur la base du seul jugement de l’entreprise. Il serait nécessaire d’encadrer et de décrire de manière plus détaillée les méthodes que l’entreprise pourrait appliquer pour déterminer et reconnaître une réduction de prix et l’agrémenter d’exemples. Ces situations sont fréquentes dans les ESN.
  • Les évènements relatifs à l’évaluation du chiffre d’affaires peuvent avoir pour conséquence l’utilisation de nouveaux comptes « 4872 – Régularisation de marge », « 7099 – Rabais, remises et ristournes à accorder estimés ». Leur création et leur utilisation va engendrer de la complexité dans les schémas comptables tant dans leur alimentation que dans leur suivi. Ils ne nous semblent donc pas nécessaires, les comptes actuels du PCG étant suffisants. L’ajout d’exemples d’application seraient bienvenus.
  • Les options incluses dans un contrat qui comprennent un avantage significatif et qui ont pour conséquence qu’il est hautement probable que celles-ci soient exercées ne sont pas traitées dans l’évaluation du chiffre d’affaires contrairement à IFRS 15. Nous jugeons que ce règlement doit être complété du traitement des options. Cette observation rejoint celle évoquée au titre de l’allocation du prix du contrat (2ème remarque).
  • Les sommes dues à titre indemnitaire telles que des pénalités de retard sont comptabilisées en charges ou bien par le biais de provisions. Celles-ci sont prises en compte par des diminutions de chiffre d’affaires selon IFRS 15. Dans les contrats d’outsourcing, ou bien de tierce maintenance applicative ou enfin de licences vendues sous un format droits d’accès, les ESN sont systématiquement soumises contractuellement à des indemnités relatives à la performance des services (partie « run »). Des contrats de constructions de solutions (« build ») donnent aussi très fréquemment lieu à indemnité de retard.
  • La notion de délivrance a pour objectif de définir le moment auquel le chiffre d’affaires pourra être reconnu. Le commentaire IR4 présente un exemple de modalités d’application pour la comptabilisation de concessions de licences. Les notions évoquées dans l’exemple semblent s’éloigner de la distinction faite par IFRS 15 entre droits d’accès et droits d’utilisation et donc aboutir à des divergences de traitement. Le monde de l’édition de logiciels et les modalités de mise à disposition des licences pour les clients évoluant beaucoup (licences on-premise, modèles SaaS, ASP, licences hybrides, clouds privés, clouds publics, …), les critères définis par IFRS 15 permettent strictement en pratique de définir ce qui est droit d’accès et ce qui est droit d’utilisation. L’exemple basé sur une licence et la prestation d’hébergement est trop restrictif et simpliste par rapport aux situations réelles rencontrées et amènera à des divergences par rapport à IFRS 15. Par exemple, une société vend une licence et les services associés (hébergement, maintenance, évolutions …) dans un format souscription, le client payant un abonnement unique. Ces prestations sont indissociables. Selon le projet de règlement, le revenu sera reconnu au fur et à mesure de la délivrance des services au client. L’analyse sous IFRS 15 peut amener à une conclusion totalement différente. Dans le cadre de ce service, la société laisse le choix à son client d’effectuer ou non les mises à jour. Nous sommes alors en présence d’un droit d’utilisation et non d’un droit d’accès ce qui engendrera la reconnaissance d’un revenu de licence pour la valeur de cette dernière et de revenus de services. Ces revenus sont déterminés à l’aide des prix de vente spécifiques. Dans cette situation, le revenu IFRS 15 divergera donc totalement de celui comptabilisé selon la règle proposée.
  • Le traitement des coûts afférents à une vente de bien ou de prestation de service (art. 512-7) est peu clair. Il mériterait des exemples pour illustrer les différentes situations.