Parce qu’à l’heure où notre pays voudrait jouer un rôle majeur dans les innovations de rupture du XXIe siècle – intelligence artificielle, blockchain, information quantique… -, Eric Reinhardt nous replonge dans les années 70 et les prémices d’une autre « deep tech » qui devait tout bousculer vingt ans plus tard : Internet !

Pourquoi on l'a lu ?

- Parce qu’à l’heure où notre pays voudrait jouer un rôle majeur dans les innovations de rupture du XXIe siècle – intelligence artificielle, blockchain, information quantique… -, Eric Reinhardt nous replonge dans les années 70 et les prémices d’une autre « deep tech » qui devait tout bousculer vingt ans plus tard : Internet !
- A travers une enquête haletante, le roman tente d’expliquer pourquoi la contribution majeure du Français Louis Pouzin dans la conception et l’expérimentation de la transmission de données électroniques par paquets, le datagramme, avec le réseau Cyclades, n’avait pas eu plus d’influence sur le rang que devait tenir plus tard son pays dans l’essor d’Internet.
 

Pourquoi on l'a lu ?

De quoi ça parle ?

 - Le personnage principal, jeune journaliste à l’AFP, découvre qu’un ingénieur français, Louis Pouzin, est l’un des pères d’Internet. Il veut savoir pourquoi ses recherches ont subitement été interrompues après 1974.
 
- Dans le cadre de nos « lectures numériques », nous donnons ci-dessous un aperçu de deux chapitres ayant directement trait à l’histoire d’Internet.
 
- Chapitre XI : Dimitri Marguerite, le personnage principal, découvre que le « Plan Calcul créé en 1966 par le général de Gaulle pour assurer l’indépendance de la France dans le domaine des gros ordinateurs » a été arrêté après l’arrivée au pouvoir de Valérie Giscard d’Estaing.

Chapitre XII : Maurice Allègre, président de l’Iria (ancêtre de l’Inria), affirme à Dimitri que « Jacques Dondoux, le directeur du Cnet (Centre national d’études des télécommunications), centre de recherche de la DGT (Direction générale des télécommunications) du ministère des PTT, en charge de l’ensemble du réseau téléphonique français » l’avait appelé en octobre 1973 pour lui annoncer l’abandon du réseau Cyclades. Orientation qui semble confirmée en 1974 quand « la France allait écarter le projet Cyclades développé par Louis Pouzin et mettre en œuvre à l’exclusion de toute autre réflexion le projet Transpac du Cnet et la norme X25. Transpac allait donner naissance, en France, quelques années plus tard, au Minitel, quand les Etats-Unis, récupérant le datagramme, l’invention de Louis Pouzin écartée en premier lieu par les élites des télécoms puis dans un second temps par le gouvernement français, allaient créer Internet avec le succès planétaire que l’on sait ». Même si les premières connexions Internet grand public n’auront pas eu lieu avant 1990. « Les télécoms ne voient pas l’intérêt de Cyclades pour la seule et unique raison que c’est une invention d’informaticiens qui prétendaient apprendre leur métier aux ingénieurs des télécoms, c’est pourquoi ces derniers tirent sur l’informatique à boulets rouges, parce que c’est de la concurrence, aurait dit Maurice Allègre aux conseillers des cabinets ministériels. Notre pays pourrait s’en mordre les doigts un jour ».
 
 

Ce qu'on a aimé

Comédies françaises rend hommage à Louis Pouzin, l’un des principaux contributeurs à la création et au développement d’Internet. Malgré ses nombreux prix internationaux, dont le Queen Elizabeth Prize for Engineering remis par la reine d’Angleterre en 2013 – aux côtés de Marc Andreessen, Tim Berners-Lee, Vinton Cerf et Robert Kahn – notre ingénieur français n’était jusque-là pas très connu du grand public.

On a particulièrement aimé :  

- Ce retour aux sources de l’informatique française : le Plan Calcul, le consortium informatique européen Unidata, le réseau expérimental Cyclades au sein de l’Iria  

- La truculence des personnages et la vivacité des dialogues qui rendent fluide ce thriller politicoéconomique construit à la manière d’un « cold case » (qui a flingué le réseau Cyclades il y a plus de quarante ans !?) 

A LIRE SI

- On ne craint pas d’être embarqué dans des intrigues secondaires – une quête amoureuse, des considérations sur l’histoire de l’art, le portrait caricatural d’un cabinet de lobbying… - avant de n’aborder réellement le rôle de Louis Pouzin dans la naissance d’Internet qu’à la page 245.    

- On apprécie la plume d’Eric Reinhardt, on goûte ses portraits, et qu’on estime que la drôlerie de ses outrances excuse son caractère obsessionnel et ses thèses un peu simplistes. De même manière que la rencontre entre Max Ernst et Jackson Pollock ne peut expliquer à elle seule le déplacement du centre de gravité du marché de l’art de Paris à New York, aussi puissant eut-il été, Ambroise Roux, le puissant patron de la CGE, ne peut pas expliquer à lui seul l’émergence des Gafam aux Etats-Unis, plutôt qu’en France.  

- On n’est pas trop regardant sur la mise en abyme, avec ce personnage principal journaliste, souvent un peu spectateur, tenté par l’écriture de deux romans, l’un sur les surréalistes, l’autre sur Louis Pouzin, comme pour justifier un non-choix de l’auteur, finalement servi en bundle.
 

POUR SE LE PROCURER
 

Reinhardt, Eric, Comédies françaises, Editions Gallimard, NRF, 2020, 477 pages.
 

POUR ALLER PLUS LOIN

On peut lire aussi :

Louis Pouzin : L'un des pères de l'internet, Paris, Economica, coll. « Collection Cyberstratégie », de Chantal Lebrument et Fabien Soyez, 170 pages, publié en 2018.