IA et contrefaçon : quels enseignements suite aux premières affaires judiciaires
 
                En Europe et aux Etats-Unis, plusieurs décisions judiciaires ont été rendues en matière de contrefaçon suite à l’utilisation de l’intelligence artificielle. IA et contrefaçon peuvent donc coexister. C’est pourquoi Numeum a réuni experts et professionnels afin d’aborder comment les actes de contrefaçon peuvent être caractérisés et les exceptions susceptibles d’être soulevées.
Comment faire face à des cas d’utilisation de l’intelligence artificielle pouvant générer une contrefaçon ? Alors que la technologie devient de plus en plus utilisée, les entreprises doivent se prémunir de cet effet de bord consécutif à la popularité de l’IA. Elles sont ainsi fondées à protéger leurs actifs en termes de propriété intellectuelle. Afin de livrer des clés de compréhension, Numeum a rassemblé professionnels et experts du sujet à la lumière des dernières décisions de justice rendues en Europe et aux Etats-Unis.
Malgré la complexité du sujet, il est admis qu’il n’existe pas de définition universelle de l’IA. La notion est donc relativement floue et générale. Toutefois, l’article 3§63 de l’AI Act définit « un modèle d’IA, y compris lorsque ce modèle d’IA est entraîné à l’aide d’un grand nombre de données utilisant l’auto-supervision à grande échelle, qui présente une généralité significative et est capable d’exécuter de manière compétente un large éventail de tâches distinctes, indépendamment de la manière dont le modèle est mis sur le marché, et qui peut être intégré dans une variété de systèmes ou d’applications en aval, à l’exception des modèles d’IA utilisés pour des activités de recherche, de développement ou de prototypage avant leur mise sur le marché« .

Dans ce cadre, les systèmes d’entraînement des IA génératives peuvent utiliser des œuvres protégées contenues dans de larges bases de données. Souvent ces œuvres sont alors exploitées sans aucune information ni consentement des titulaires de droits.
« Pour contrer cette pratique, des outils de détection pourraient permettre de détecter les contenus illicites générés. Aussi des mécanismes de recours spécifiques pourraient être mis en place« , explique Maître Naomi Meynle-Hamza, juriste CIFRE au cabinet Racine.
IA et contrefaçon : les actes pouvant être considérés comme tels
Tout l’enjeu réside dans le fait qu’un jeu de données d’entraînement implique systématiquement des actes de reproduction. Soit par le téléchargement d’œuvres ou via la réalisation de copies. « Même si ces données sont effacées après l’entraînement des systèmes, il y a tout de même une atteinte aux droits d’auteurs « , précise Maître Charles Bouffier, avocat associé au cabinet Racine. Le spectre est donc large pour caractériser une contrefaçon suite à l’utilisation d’une intelligence artificielle.
Dans cette même optique, l’utilisation du RAG (Retrieval-augmented generation ou génération augmentée de récupération), technique populaire qui combine recherche d’informations et génération de contenus, peut constituer une atteinte. En effet, un développeur peut copier des contenus dans une base de données dédiée ou interroger des sites Web classiques pour les intégrer dans sa réponse.
Maître Charles Bouffier précise : « Cette customisation de l’outil est susceptible de mettre en œuvre les droits de reproduction d’un auteur sur les éléments qui peuvent être intégrés « . En somme, le RAG n’est pas neutre juridiquement car elle pose des questions de responsabilité pour les développeurs, les hébergeurs et les utilisateurs professionnels. En France, une décision inédite du tribunal judiciaire de Paris le 7 mai 2025 constitue la première victoire des éditeurs contre un site généré par IA. Le tribunal ainsi condamné des entreprises qui utilisaient sans autorisation des articles de presse. Aux Etats-Unis, une quarantaine de procédures sont également en cours sur des motifs de contrefaçon (Disney et Universal Studios contre Midjourney par exemple).
Les exceptions pour échapper à une condamnation et les responsabilités de chacun
Certains usages peuvent permettre de justifier l’usage d’une œuvre protégée. La loi pour la République numérique, dont une grande partie a été reprise dans le règlement sur les services numériques (DSA), interdit aux auteurs de s’opposer à une reproduction de leur œuvre à des fins d’obtention d’information ou pour améliorer des outils de recherche. Cette exception pourrait être reprise dans la directive européenne sur le droit d’auteur de 2019 lorsqu’il est question d’usages scientifiques. Aussi, s’il s’agit d’une reproduction provisoire sans aucune valeur économique propre, le droit d’auteur ne peut être invoqué.
 
Toujours est-il qu’en cas de contrefaçon avérée, l’utilisateur est davantage susceptible d’être jugé responsable que le développeur ou que le système lui-même. Et cela, en particulier s’il demande expressément de reproduire une œuvre protégée ou qu’il upload de tels éléments.
C’est pourquoi les experts dressent plusieurs recommandations. Les développeurs d’outils d’intelligence artificielle doivent ainsi, de manière préventive, obtenir des licences d’utilisation des bases de données au préalable. Il est également devenu obligatoire d’adopter une transparence quant aux sources de données utilisées. Enfin, les développeurs doivent prendre en considération les potentiels litiges juridiques pouvant résulter de l’utilisation de tels outils.
Pour aller plus loin, voici le support et le replay de la conférence : https://numeum.fr/focus-sur-la-contrefacon-au-moyen-de-systemes-dia-generatives-analyse-comparee-des-premieres-decisions-europeennes-et-americaines/
Afin de comprendre les enjeux mêlant IA et contrefaçon, Numeum propose son guide de mise en œuvre de l’AI Act proposé par Numeum. Il est disponible à cette adresse : https://numeum.fr/europe/actu-informatique-guide-de-mise-en-oeuvre-de-lai-act/
 
                     
                    